COULEZ MES LARMES, DIT LE POLICIER

Flow My Tears, the Policeman Said, Doubleday, 1974; Le Masque, 1975; Ailleurs et Demain, 1985


Coulez mes larmes a été écrit en 1970, durant ce que j'espère avoir été la pire période de mon existence. J'espère que je n'aurai jamais à revivre de tels moments. Nancy m'avait quitté tandis que je travaillais sur le roman, que j'ai fini, bien qu'elle soit partie en emmenant notre fille. Je me suis retrouvé tout seul dans ma grande maison, avec ses quatre chambres, ses deux salles de bains, et j'ai essyé de terminer ce livre.

Il a viré à l'autobiographie : je souffrais tellement du départ de ma femme que j'ai fait mourrir la soeur du général de police, et le chagrin et la solitude immenses qu'il ressent proviennent, en fait, du sentiment de perte que j'éprouvais à l'égard de Nancy.

Dès lors, j'écrivis d'un point de vue autobiographique, pour la simple raison que je n'arrivais pas à exclure ces éléments autobiographiques. Rien de tel avec Confessions d'un Barjo : c'est autobiographique parce que j'en avais décidé ainsi. Dans le cas de Coulez mes larmes, je ne pouvais pas m'asseoir pour écrire ce roman en négligeant les éléments qui affectaient ma vie. Ce qui se produisait s'est frayé un passage jusque dans le livre, et l'a dominé.

Et j'ai écrit, une après l'autre, plusieurs versions de la fin de ce roman, que j'ai écrites, et récrites encore, afin de coucher sur le papier les émotions que m'inspirait le départ de Nancy, car je l'avais vraiment aimée. Je crois que c'est la personne la plus merveilleuse que j'aie jamais connue. Je voulais exprimer la sensation qu'on éprouve quand on perd quelqu'un qu'on aime tant.

Je n'arrêtais donc pas de peaufiner cette fin, encore et encore, et quand est venu le moment de taper le manuscrit définitif pour l'envoyer, je n'en ai pas eu la force. J'ai bien dû faire six versions différentes de ce roman avant de m'estimer satisfait. J'ai mis le manuscrit de côté et je n'y ai plus retouché avant 1973, lorsque je suis venu habiter ici, dans Orange County.

J'avais vécu au Canada, m'installais ici, et le manuscrit était dans le coffre-fort de mon notaire. Je lui ai demandé de me l'envoyer et j'ai écrit la version définitive. En tout, en fait, il y en a bien eu onze. Onze versions différentes... J'y ai effectué quelques retouches de style, ajouté quelques réflexions montrant mon aversion pour la drogue, car j'avais désormais une profonde répugnance envers la drogue, mais dans sa plus grande part, le livre était écrit. J'ai même découvert que j'avais entammé la frappe du manuscrit définitif ; les cent premières pages étaient prêtes, et je ne me rappelais même pas les avoir retapées. J'ai alors essayé d'unifier cette dernière version, mais j'ai laissé tomber. J'étais vraiment trop crevé.