GLISSEMENT DE TEMPS SUR MARS

Martian Time-Slip, Ballantine, 1964; Laffont, 1980; Presses-Pocket, 1986


Là, j'ai ceci à dire : Glissement de Temps sur Mars a été une tentative de me dégager du Maître du Haut-Château et accéder à un degré de qualité et de complexité supérieur.

Mais le marché l'a mal reçu, aucun éditeur de livres reliés n'a été intéressé, et j'ai fini par le céder à Ballantine pour 2000 dollars.

Cela m'a complètement mis à plat. Je sentais que c'était un très bon roman, très sérieux, très important et je n'ai reçu aucune réponse, le livre a disparu, tout simplement.

Il ne s'est pas bien vendu et mon nom était imprimé en tout petit sur la couverture ; tous les progrès accomplis en termes de marketing depuis Le Maître du Haut-Château se voyaient réduits à néant. Je me suis senti désespéré... Personne ne l'a remarqué, ni les critiques, ni les éditeurs, ni les lecteurs...

A ce moment là, j'avais trouvé mon style d'écriture... Je n'imitais ni Alfred Bester ni A.E. Van Vogt. Ce que je faisais étais sans équivalent dans le domaine. J'empruntais au roman français, au roman japonais, j'avais vraiment créé une nouvelle espèce de romans... que personne au monde n'écrivait. Sauf peut-être quelques auteurs japonais, mais nul ne les lisait, et pour le public américain, j'étais unique.

J'étais heureux d'écrire de tels livres... Ils avaient trouvé une sorte d'équilibre entre l'humour et la tragédie, je crois. Je ne dirais pas que j'appliquais une formule, mais que je maîtrisais une structure à laquelle je ne cessais de recourir. Elle m'appartenait. J'avais trouvé mon code d'expression, je m'en satisfaisais, je vivais de lui, mais j'ai essuyé une défaite avec ce livre.

Si je l'avais vendu à, disons, Viking, Harper and Row ou Scribner's, j'aurais alors considérablement progressé et je serais allé vers un type de roman plus cultivé, plus profond. C'est là quelque chose que j'ai tendance à oublier et dont je ne parle pas souvent. J'avais oublié cette défaite... Le livre qui aurait suivi aurait été bien meilleur...mais je ne peux même pas dire aujourd'hui ce que ç'aurait été.