LE MAITRE DU HAUT-CHATEAU

The Man in the High Castle, Putnam, 1962; Opta, 1970; J'ai lu, 1974


Je me morfondais de ne plus écrire. Je ne pouvais pas vivre sans l'écriture. Aussi, quand je m'y suis remis, c'était pour réussir ou pour mourir. Soit je faisais du stupéfiant, du révolutionnaire, de l'original, soit je n'écrirais plus... Il me fallait m'élever à un niveau que moi ni personne n'avait jamais atteint... Je mourrais d'envie d'écrire et j'avais tout refoulé sous ce désire immense.

Et quand j'ai entamé Le Maître du Haut-Château, j'avais en moi un énorme réservoir de nécessité, d'idées et d'énergie, et ça a été facile, très facile de l'écrire. Il ne m'a fallu ni synopsis ni intrigue structurée à l'avance. C'est allé tout seul. Durant ma longue période d'inactivité, le livre s'était construit en moi. J'étais euphorique...

J'ai eu une veine incroyable. Je ne m'attendais pas du tout à un succès pareil. Mais il a été pris par un excellent directeur de collection, Pete Israel, qui m'a fait opérer de nombreux changements qui l'ont beaucoup amélioré. Des modifications très, très substantielles... Je ne me rappelle pas lesquelles, mais elles m'ont vallu une montagne de travail extrêmement pénible, puisque j'ai dû le récrire presque en entier...

Sa structure s'appuie sur une construction romanesque utilisée par les étudiants du département de français de l'université de Tokyo après la Seconde Guerre Mondiale. Ce n'est pas une structure provennant de la littérature générale, mais une structure que j'ai mise au point à partir de diverses sources...

Je considérais le national-socialisme comme un sujet mystérieux. Quelle misère qu'un pareil phénomène ait pu survenir dans un pays qui nous a donné Goethe, Beethoven, Schiller. J'ai lu le livre d'Hannah Arrendt, Les Origines du Totalitarisme, qui m'a beaucoup aidé à le comprendre. J'ai étudié le national-socialisme jusqu'à sentir que je pouvais voir le monde comme les nazis.